FAITS DIVERS

Lionel Messi, le génie universel

Vainqueur de son cinquième Ballon d’Or, Lionel Messi sort d’une année gargantuesque avec le FC Barcelone. Au-delà du palmarès et de ses prestations sportives, l’Argentin a su se remettre en question et bâtir sa revanche en toute discrétion, sans renier son génie.

Lionel Messi n’est pas un footballeur. Il est bien plus que ça. C’est un artiste, un acteur, un cerveau. C’est même devenu l’anti-footballeur. Le parcours du gamin de Rosario, trop petit pour devenir un grand joueur selon ses premiers entraîneurs, tout le monde le connait par cœur désormais. Et après ? Que savez-vous de la vie de la « Pulga » ? Rien ou presque. Et nous non plus. C’est peut-être ça, sa force. Sa discrétion, son humilité.

Outre cette sombre histoire de fraude au fisc espagnol, jamais une affaire extra-sportive n’a trainé l’Argentin à la Une des journaux. Certains apprécieraient un tel destin… Quand Cristiano Ronaldo sort un film à sa gloire, crée sa ligne de vêtements et son parfum ou lance sa chaîne hôtelière, Lionel Messi, lui, n’a de place dans les rubriques people que pour ses choix vestimentaires douteux lors des cérémonies de remise du Ballon d’Or. En même temps, pas facile de se renouveler quand on reçoit son cinquième Graal. Un record, forcément.

Comment pouvait-il en être autrement ? En 2015, Lionel Messi a presque tout gagné. Individuellement comme collectivement avec le FC Barcelone, l’Argentin a transformé en or tout ce qu’il a touché : 48 buts et 23 passes en 53 matchs, toutes compétitions confondues, cinq trophées avec le Barça (Liga, Coupe du Roi, Ligue des Champions, Supercoupe d’Europe et Mondial des Clubs) et un échec, un seul, en Supercoupe d’Espagne. Vu de France, on reste à chaque fois ébahi quand Messi éclabousse de son talent les grands matchs européens retransmis en mondovision.

Mais lui a cette capacité de ne pas être simplement bon dans les grands rendez-vous. L’attaquant du Barça est bon toute l’année et devient décisif – la nuance est importante – dans les matchs à enjeu. Comme à l’occasion de l’avant-dernière journée de championnat, en mai dernier. Sur le terrain de l’Atlético Madrid, pour la « finale » de la Liga, Lionel Messi inscrit le but du titre (0-1).

Quelques jours avant, devant des dizaines de millions de téléspectateurs, l’Argentin brisait le rêve de Pep Guardiola et de son Bayern Munich. D’un petit coup de rein, il mettait à terre le défenseur Jérôme Boateng et l’ensemble de l’institution bavaroise. Car plus qu’un joueur de football, Lionel Messi est un esthète. Un esthète capable d’effacer toute la défense de l’Athletic Bilbao en partant du milieu de terrain pour inscrire un but d’anthologie en finale de la Coupe du Roi. Ça aussi, c’était cette année !

Acteur de sa propre histoire

Pour l’ensemble de son œuvre en 2015, à peine gâchée par son échec en finale de la Copa America, l’enfant de Rosario mériterait l’Oscar du meilleur acteur. Acteur de sa propre histoire. Avec à ses côtés, pour le prix du meilleur second rôle, le duo Neymar-Suarez. Qu’il est loin le temps où Pep Guardiola devait vider tous les distributeurs de Coca-Cola, dont Messi raffolait à défaut de prendre soin de son corps de sportif. A bientôt 30 ans, celui qui n’a connu que le Barça dans le monde professionnel a mûri. La semaine dernière, il a même été élu « plus beau cerveau » de l’année par la FIHSF (Fédération internationale de l’histoire des statistiques du football). Une première pour lui dans un palmarès réservé ces dernières années à Iniesta, Kroos ou Xavi. Ronaldo et Neymar, ses concurrents dans la course au Ballon d’Or, ne prennent même pas place dans le top 10.

Un diplomate revanchard

En 2015, ce cerveau, Lionel Messi l’a fait fonctionner sur et en dehors des terrains. Car cette année dorée, elle aurait pu ne jamais avoir lieu. En janvier, on lui prêta une brouille avec Luis Enrique. Jérémy Mathieu allant même jusqu’à parler « pétage de plomb » à l’entraînement. Qu’a fait l’Argentin au moment où le scandale éclatait dans la presse espagnole ? Il a rangé sa fierté, l’a joué diplomate. Cinq mois plus tard, les deux hommes se tombaient dans les bras l’un de l’autre après avoir remporté la Ligue des Champions aux dépens de la Juventus Turin.

C’est en janvier, aussi, qu’il a assisté au second sacre de rang de Cristiano Ronaldo au Ballon d’Or. Au cri de joie du Portugais sur l’estrade des vainqueurs, Messi a répondu par un silence, allumant en lui la flamme de la revanche. Humble, diplomate mais aussi compétiteur. Ainsi faudrait-il définir Lionel Messi. Une définition dont il a donné l’illustration parfaite en juillet dernier lorsqu’il a refusé le prix de meilleur joueur de la Copa America. Sans doute encore marqué par les critiques, justifiées, sur l’attribution de son titre de meilleur de joueur de la Coupe du Monde en 2014 après une autre finale perdue.

Pas assez argentin et pas assez espagnol

« Leo est meilleur être humain que footballeur », glissait Pedro Zabaleta, l’ami des sélections de jeunes, il y a quelques années. Au regard du talent du joueur balle au pied, on se dit que l’homme doit avoir un sacré cœur. Sans naïveté aucune de notre part. Cette modestie que cultive le clan Messi est raillée par ses détracteurs, qui l’accusent de faire du cinéma. Il y a sans doute du vrai et de la communication là-dedans. Mais après tout, n’avons-nous pas écrit plus haut qu’il est un acteur ? Un joueur de foot hors-normes qui présente la particularité, peut-être unique, d’être universel.

Car au fond, Lionel Messi n’a pas vraiment de patrie. Pas assez argentin pour les irréductibles, qui regrettent qu’il ait mis les voiles sur l’Espagne beaucoup trop tôt, et pas assez espagnol pour ceux qui ne lui pardonnent pas d’avoir éclipsé le talent de Xavi et Iniesta, quand eux aussi auraient mérité de prendre la lumière. « La plus grande consolation pour la médiocrité est de voir que le génie n’est pas immortel », écrivait le poète allemand Goethe. Alors le monde aurait tort de ne pas en profiter. Et surtout de banaliser ce cinquième Ballon d’Or. Car Lionel Messi est un génie. Un génie comme le football n’en reverra peut-être pas avant des décennies.

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